Quatre mots…

Texte introductif : Evangile de Marc, chap. 15, v. 21 à 40.

L’heure est grave, Jésus vit ses derniers instants après avoir passé plusieurs heures cloué sur la croix.

Les 3 heures qui viennent de s’écouler l’ont été dans l’obscurité, comme pour insister encore plus sur la présence de la tristesse et de la souffrance qui accompagnent ce moment. Jésus s’écrie alors « Eli, Eli, lama sabachthani ? » (traduits par « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

Quatre mots. 

Quatre mots qui sont peut être compréhensibles par un croyant au coeur de la tourmente, accablé par les difficultés ou la maladie. Mais quatre mots qui sont tout autant impossible à saisir pour qui n’est pas le Fils de Dieu abandonné par son Père pour payer la dette d’une humanité pécheresse.

Combien ces mots seuls expriment une détresse si profonde. Mais combien ces mots pourtant, si on les relit dans leur texte source, sont porteur d’un espoir qui dépasse l’imagination.

Jésus, durant sa vie terrestre, comme tout Juif pieux, a été enseigné dans les textes de ce que nous appelons aujourd’hui l’Ancien Testament. Il les a lus, a réfléchi sur eux, et il s’est compris lui-même à travers eux.  Ces quatre mots criés par Jésus dans Marc 15.34 (et Mat 27.46) font référence au psaume 22, écrit par le roi David dans un contexte que nous ignorons. Ce psaume commence d’ailleurs par ces mots « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». C’est le seul texte où Jésus s’adresse à Dieu sans l’appeler Père ; la seule fois où ce lien Père-Fils si intime semble absent, la seule fois où Dieu s’est comme retiré car un Dieu parfaitement saint ne peut tolérer la présence du péché que Jésus est en train de porter à notre place…

Si l’on observe globalement ce psaume, on découvre que jusqu’au verset 22 il est rythmé par un alternance progressive de Je / Tu : D’un côté celui qui prie décrit sa souffrance avec de plus en plus de douleur et de détresse (je crie… je suis un ver…mes os se disloquent, ils ont percé mes mains et mes pieds…), et de l’autre sa prière va du Dieu libérateur et protecteur du passé jusqu’au Dieu qu’il presse de répondre aujourd’hui et maintenant (nos ancêtres se confiaient en toi… j’ai été sous ta garde…viens vite à mon secours…).

Plus la prière avance, plus la souffrance se fait sentir, et plus la demande envers Dieu devient pressante et présente.

La fin de ce va-et-vient de souffrance marque également la fin de la vie de Jésus « …Jésus poussa un grand cri et expira » (Marc 15.37). 

Jésus meurt dans l’attente de Dieu, avec la foi que les versets suivants vont s’accomplir.

Nous qui connaissons la suite l’histoire savons que c’est le cas ; Jésus a pu dire plus tard : « Tu m’as répondu ! » (v. 22b)

Désormais la souffrance et la douleur laissent place à la louange et la joie ! Cet homme ressuscité se tourne presqu’immédiatement vers les autres, non plus ces autres qui sont ennemis comme aux versets précédents, mais ces autres qui sont ses frères, l’assemblée des croyants (v. 23-24). Il leur annonce tout ce que Dieu a fait pour lui ; Qu’Il réponde immédiatement ou pas, Dieu écoute celui ou celle qui crie à lui. Et plus encore, cette oeuvre accomplie à la croix nous donne ce que personne d’autre ne peut nous offrir : « Que votre coeur vive à perpétuité ! », une vie après la mort !

La fin du psaume (à partir du verset 28) laisse place à l’avenir, des paroles prophétiques écrites par le Roi David plusieurs siècles auparavant. Cet avenir a déjà commencé pour nous qui vivons aujourd’hui mais il n’est pas encore accompli totalement ; La grande assemblée de croyants va s’ouvrir à tous les peuples de la terre.  Jésus annonce l’Eglise qui va se former à partir du noyau des Juifs rempli de l’Esprit Saint à la Pentecôte et qui vont annoncer la bonne nouvelle jusqu’au confins de la terre : « on parlera du Seigneur à la génération future », « elle annoncera son œuvre au peuple à naître » (v. 31-32).

Quatre mots.

Quatre mots dans la bouche de Jésus qui annoncent l’oeuvre inégalable de Dieu. Jésus est mort dans une confiance sans faille en Dieu, et Dieu lui a répondu. Sa mort nous a ouvert un avenir, notre espoir ; elle a permis l’existence de l’Eglise, ceux que Dieu veut sauver et à qui il donne la vie pour l’éternité.

Dans ces quatre mots, voyons l’espoir de la foi. Cette foi qu’a eu Jésus, abandonné, sans réponse de son père, mais qui a malgré tout gardé confiance en Dieu. C.S. Lewis, dans le livre Réflexions sur les Psaumes a écrit : « Dans le psaume 22, ce poème terrible que le Christ cita dans son agonie finale, ce n’est pas le verset 17 : ‘Ils ont percé mes mains et mes pieds’ qui importe le plus, aussi frappante cette anticipation ait-elle jamais pu être. L’essentiel, c’est l’union du dénuement total avec l’adhésion totale à Dieu, à un Dieu qui ne donne aucune réponse – union qui se fait simplement à cause de ce que Dieu est : ‘Tu es le Saint’ (v.3). » 

Qu’il réponde maintenant ou non, Dieu reste Dieu. Et nous pouvons croire, à l’instar de Jésus, que nos prières recevront leur réponse, soit de notre vivant, soit lorsque nous aurons franchi le voile déchiré et que nous serons pour toujours avec lui et dire : 

« Tu m’as répondu ! ».

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