De quelle Eglise ai-je envie ? Actes 2.42-47

Actes 2.41-47 (Traduction Segond21)

Ceux qui acceptèrent sa parole furent donc baptisés et, ce jour-là, le nombre des disciples augmenta d’environ 3000 personnes. Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières. La crainte s’emparait de chacun et il se faisait beaucoup de prodiges et de signes miraculeux par l’intermédiaire des apôtres. Tous ceux qui croyaient étaient ensemble et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et ils en partageaient le produit entre tous, en fonction des besoins. Chaque jour, avec persévérance, ils se retrouvaient d’un commun accord au temple ; ils rompaient le pain dans les maisons et ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés.

Introduction-contexte : un texte programmatique

Ce message peut être certainement d’actualité dans un contexte où, suite au confinement, nous pouvons nous demander ‘comment reprendre notre vie d’église ?’. Et ‘Faut-il tout continuer comme avant, ou tenter de poser de nouvelles base pour un nouveau départ ?’

Ces quelques versets sur l’Eglise primitive nous apprennent-ils quelque chose qui soit transposable et encore utile aujourd’hui ?

Contexte rapide :

Le récit du livre des Actes se situe dans la même période d’alliance que celle où nous nous trouvons. L’interprétation du passage demandera donc (un peu) moins de filtres que si c’était un passage de l’AT (attention à ce propos lorsqu’on étudie un texte de l’AT, de ne pas faire de copier-coller avec notre situation actuelle).

A ce moment du récit, Jésus après sa résurrection et après avoir passé quelques jours avec ses disciples, est monté au ciel. Puis il a envoyé l’Esprit Saint sur ses disciples le jour de la Pentecôte, et aux vues de l’événement et du questionnement des foules, Pierre va expliquer ce qui se passe et faire sa première prédication publique de l’évangile de Jésus-Christ. Il s’ensuit une prise de conscience de l’auditoire que Pierre va engager à un changement radical et au baptême, signe visible de cette volonté de changement et de l’engagement pris envers Dieu.

Structure rapide :

Lorsque l’on fait le découpage en blocs du chapitre 2 du livre des Actes, on est amené à hésiter sur la césure du verset 41. Est-il la conclusion de ce qui est dit avant ou l’introduction de ce qui est dit après ? La proposition qui semble répondre au mieux serait plutôt de le considérer comme un pont entre ce qui précède et ce qui succède ; « ceux qui acceptèrent sa parole » du v.41 renvoie à la/les prédication(s) de Pierre, et « ils persévéraient » du v.42 renvoie aux disciples du v.41.

Il a donc une continuité du texte, et cela nous invite à ne surtout pas lire les v.42 à 47 isolément du reste du texte.

Lorsqu’on lit ces versets on a l’impression de se trouver devant une espèce de liste, un programme, que dresse Luc. Et c’est bien le cas ; Luc a créé ici un texte programmatique qui décrit comment vont vivre ceux qui acceptèrent la prédication de Pierre et qu’il va dérouler dans les chapitres suivants. C’est un peu comme un sommaire légèrement détaillé qui est inséré dans le récit lui-même.

Il reste à voir comment le comprendre.

2- un choix de lecture

Une mode de lecture ‘anthropocentré’ des récits bibliques est bien installé dans nos coutumes. Elle correspond à lire le texte biblique en mettant au premier plan l’homme ou la femme et identifier ce qui est exemplaire dans son attitude et ses actes. Dans le meilleur des cas cela motive à ressembler à ce ‘héros’, et dans le pire des cas cela nous culpabilise de ne jamais être suffisamment à la hauteur.

Pourtant le thème principal de la Bible (et d’autant plus du livre des Actes) n’est pas centré sur l’être humain, mais sur Dieu qui déroule son plan de salut à travers l’histoire de l’humanité.

Il est donc essentiel d’interpréter notre texte à partir de ce postulat ; c’est Dieu qui est aux commandes du début à la fin et cette histoire qui montre comment il sauve l’être humain qui a rejeté son autorité dans sa vie.

Citons « Luc choisit toutefois, sans masquer ces difficultés, d’insister sur l’essor spectaculaire de l’annonce de l’évangile, malgré les limites des premiers chrétiens. » Matthieu Sanders, Introduction à l’herméneutique biblique, Edifac

La bonne lecture de notre passage c’est donc de considérer que les versets 42-47 exposent l’oeuvre de l’Esprit Saint envoyé par Jésus parmi ceux qui se sont convertis et baptisés.

Que faire donc de ce texte programmatique ?

3- un programme, mais pas un modèle

On peut tout d’abord noter le verbe utilisé ici : persévérer

Citons « le terme grec désigne le fait de persister, de s’attacher fermement à, de se vouer intensément à une occupation. « Il s’agit d’une assiduité constante, d’un effort qui ne se relâche point, d’une attente confiante de ses effets », avec une nuance d’obstination. » Daniel Marguerat, Les Actes des apôtres 1-12, Labor et Fides

Le verset 42 peut être décomposé en 4 éléments :

  1. L’enseignement des apôtres
  2. La communion fraternelle
  3. La fraction du pain
  4. Les prières

qui sont détaillés dans les 5 versets suivant : dans le même ordre et selon le même thème :

  1. L’enseignement des apôtres = La crainte s’emparait de chacun et il se faisait beaucoup de prodiges et de signes miraculeux par l’intermédiaire des apôtres.
  2. dans la communion fraternelle = Tous ceux qui croyaient étaient ensemble et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et ils en partageaient le produit entre tous, en fonction des besoins.
  3. La fraction du pain = Chaque jour, avec persévérance, ils se retrouvaient d’un commun accord au temple ; ils rompaient le pain dans les maisons et ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur.
  4. Les prières = Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple.

qui sont eux-mêmes repris dans les 3 chapitres suivants avec la guérison du paralytique, les diverses prédications, Ananias et Saphira, etc…

La première chose que l’on peut noter dans cette déclinaison des 4 éléments, c’est que chacun est repris de manière pratique. C’est un peu comme si Luc souhaitait indiquer que la persévérance chrétienne n’est pas qu’une vague motivation, mais qu’elle se manifeste de manière concrète et réelle.

Prenons chaque élément un par un.

1. L’enseignement des apôtres

C’est à eux que Jésus confié la responsabilité d’enseigner ce qu’il a dit et fait car ils sont les témoins de sa vie terrestre (c’est d’ailleurs un des critères qui a servi à l’Eglise pour reconnaître les livres formant le canon du NT, Paul étant considéré comme un apôtre parmi les autres).

Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que Luc détaille ce point en parlant des miracles fait par les apôtres. Il ne faut surtout pas comprendre ici que seuls les miracles sont importants. En effet, le livre des Actes nous relate plusieurs longues prédications, et le reste de la Bible prouve que ce ne sont pas les miracles qui créent la conversion dans les coeurs mais bien la parole de Dieu. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que l’annonce orale induit par une action divine guérissante. C’était déjà vrai durant le ministère terrestre de Jésus, et cela continue durant son ministère céleste ; la Parole de Dieu produit un effet, ce sont des mots qui agissent.

Pratiquement aujourd’hui : Il semble évident que l’enseignement des apôtres que nous avons aujourd’hui c’est bel est bien la Bible qui nous a été transmise. Nous pouvons y chercher Dieu et lui permettre de produire un changement en nous. Et ce changement nous amènera à des actions concrètes envers les personnes qui nous entourent.

2. La communion fraternelle

Ce mot de ‘communion’ revêt un aspect assez large, plus qu’une entente cordiale. En fait, il touche au domaine du matériel, comme l’indique la suite du verset, mais également au domaine relationnel et spirituel.

Le tableau dressé ici par Luc dépeint une unité et une symbiose quasi-parfaite de cette jeune communauté. Il ne faut pourtant pas en tirer une norme idéalisée. Les chapitres qui suivent montrent très rapidement des dissensions voire des cas graves de ’non-communion’ ; Ananias et Saphira, la dispute et la rupture entre Paul et Barnabas, etc…

On n’est pas non plus dans un lissage économique ou dans une règle de vie qui impose d’être pauvre. La motivation est plutôt un choix volontaire de chacun à faire en sorte que les besoins fondamentaux de tous soient couverts.

Enfin, ce type de vie matérielle ne se rencontre pas dans les autres passages du NT, mais on retrouve contre le principe de soutien aux plus démunis (par ex. La collecte volontaire que Paul va organiser en 1 et 2Corinthiens)

Pratiquement aujourd’hui : La situation de ces premiers chrétiens n’est donc pas une norme à suivre pour nous, mais l’élan de générosité qui anime leurs coeurs l’est. Cette motivation à faire qu’il n’y ait pas d’indigent parmi eux vient percuter notre culture individualisée et remplie de bien matériels superflus qui peuvent être parfois des idoles. Nous pouvons y trouver une occasion de déplacer notre curseur matériel vers un meilleur partage des biens et des ressources.

3. La fraction du pain

Ce terme désigne clairement la cène qui est prise « en mémoire de Jésus ».

Le verset 46 comprend deux lieux géographiques cultuels ; le temple et la maison. En effet, en tant que Juifs, les premiers chrétiens sont restés attachés au temple qui est le symbole du lieu ‘où Dieu manifeste sa présence’. Mais on constate le début du déplacement vers les maisons où va avoir lieu la communion fraternelle plus étroite et où la cène, qui est clairement associée à la personne de Jésus, marque une séparation avec les pratiques de l’AT. La persécution commençant et le temple étant détruit vers 70, il ne demeurera plus que ces rassemblements communautaires pendant une longue période pour pouvoir vivre la vie cultuelle chrétienne.

Celui qui les unit, Jésus-Christ, suscite en eux l’envie d’être ensemble, simplement et avec joie.

Pratiquement aujourd’hui : Il ne s’agit pas seulement de focaliser sur la cène, mais plutôt de reprendre cette envie de célébrer Dieu ensemble de manière régulière. Notre schéma de société a réduit la structure familiale quotidienne aux parents et enfants, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Mais il n’empêche que c’est bien là où les choses commencent ; célébrer ce que Jésus a fait commence peut-être d’abord par le noyau familial, s’étend à la famille large, aux amis proches et à la communauté plus globale.

On pourrait d’ailleurs s’interroger si ce n’est pas une forme de religiosité d’avoir une vie cultuelle avec des chrétiens qu’on ne voit que le dimanche si on n’en a pas une avec ses proches les plus intimes ?

4. Les prières

La formule au pluriel peut interroger. En fait, les Juifs priaient plusieurs fois par jour, d’où le pluriel. Et le mot est à prendre ici dans son sens le plus large de la communication avec Dieu. Il inclut autant la louange, l’action de grâce que la demande, l’intercession… On retrouve ici l’appel que Paul adressera aux Thessaloniciens « Priez sans cesse » 1Th 5.17, qui manifeste non pas une prière ininterrompue mais une disposition de coeur à demeurer en communication avec Dieu.

Quant à la suite, nous aimerions avoir le même écho autour de nous aujourd’hui en ayant ‘la faveur de tout le peuple’, mais les chapitres suivant vont montrer que la situation va assez rapidement se gâter et que la persécution ne tardera pas à se manifester.

Pratiquement aujourd’hui : Tout comme une relation humaine ne peut pas vivre sans communication, la relation avec Dieu s’exprime également au travers de la communication. La Bible nous garantit une écoute attentive de la part de Dieu de ce qui peut nous toucher personnellement et collectivement, et elle regorge d’exemples de prières sous toutes ses formes qui ont pu lui être adressées. Nous pouvons nous en approprier le fond, la motivation, pour les faire nôtres.

Conclusion

On peut conclure en affirmant qu’en effet, les éléments données par Luc peuvent être considérés comme une source d’inspiration pour nous chrétiens qui vivons en 2020. Et plus qu’une source d’inspiration ce seront des actions concrètes qui doivent en découler.

Mais il est important de se rappeler :

  1. Qu’il faut les dés-idéaliser, pour éviter d’en faire un modèle à suivre à la lettre et qui garantirait une espèce de ‘succès spirituel’ (les 4 clés d’un église en bonne santé…). Notons qu’on n’a pas du tout ici un modèle d’organisation de communauté ou une liste de choses à faire, mais plutôt une vision de ce qui animait les chrétiens dans le feu de la Pentecôte.
  2. Que la fin du chapitre ramène bien le focus sur le véritable pilote de l’histoire ; « Le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Eglise ceux qui étaient sauvés. » Toutes nos actions n’ont de sens que parce que nous sommes d’abord bénéficiaires de la grâce de Dieu. Dit autrement, c’est Dieu qui a agi le premier en nous sauvant, et c’est Lui qui reste aux commandes pour continuer d’agir malgré nos faiblesses.

En résumé l’Eglise dont j’ai envie ce sont des personnes qui cherchent à vivre quotidiennement leur vie matérielle, relationnelle et spirituelle sous le regard de Dieu, dans la conduite de l’Esprit Saint envoyé par le Fils qui a donné sa vie pour eux, en commençant par moi-même.

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